2020: une année qui aura durci les relations entre la Chine et les plus grands sports mondiaux

2019 fut une année historique pour la République Populaire de Chine, ayant été l'occasion du 70ème anniversaire du régime de l'Empire du Milieu. Un événement particulièrement important et symbolique puisque 70 ans après la révolution communiste menée par Mao Zedong, le pays possède un poids fondamental dans la structure des relations internationales et dans le commerce mondial. Si la puissance chinoise dans ce dernier domaine est incontestée, il en est autrement de son soft power, d'autant plus face à l'influence américaine sur notre mode de vie. Cela étant, la Chine se développe en investissant dans de nombreux domaines qui relient directement les Etats concernés au pays de Xi Jinping, à l'image du sport. Le club dirigé par Michel Aulas, l'Olympique Lyonnais, en est un exemple: en août 2016 la société chinoise de gestion de placements et d'actifs IDG Capital Partners a payé 100 millions d'euros pour prendre 20% du capital du club français. L'investissement chinois dans ce club français n'est pas un hasard, étant donné la qualité du centre de formation lyonnais (en 2016, la Fédération Française de Football positionne le centre de formation de l'OL en première position, devant l'AS Monaco et le Paris Saint-Germain dans le classement national des meilleurs centres). Effectivement, trois joueurs chinois ont rejoint le centre en 2016 après le début de ces investissements. L'OL forme des joueurs chinois, dans l'objectif que ceux-ci soient des vedettes de leur pays et qu'ils contribuent à faire grandir l'équipe nationale, qui rêve d’accueillir une coupe du monde et d'en gagner une avant 2050, comme l'a annoncé XI Jinping. En contrepartie, le club du Rhône voit sa popularité augmenter en Chine et ses dettes diminuer: le pays constitue un eldorado pour le club français, qui ne cessera de le faire grandir. 

En cette année 2020, la présence de la Chine dans le milieu du sport semble pourtant être plus difficile et les relations que le pays entretient avec les ligues sportives nationales n'ont pas toujours été saines. Alors que certains assimilent la Chine en 2020 à la pandémie du Covid-19, cette année marque également la forte prise de conscience de la population de la tragédie actuelle que vivent les Ouïghours au Xinjiang, région du nord-ouest chinois, depuis pourtant plusieurs années aujourd'hui. Cette communauté musulmane subit un génocide culturel important et leurs libertés s'avèrent être plus restreintes chaque jour, comme le montre ce documentaire Arte datant de mai 2019. 

C'est surtout ce sort réservé aux Ouïghours qui est dénoncé dans le monde professionnel sportif, comme nous le montre certains de ces exemples.

La NBA et la Chine, entre valeurs fondamentales et millions de dollars

Les tensions entre la NBA et la Chine datent d'Octobre 2019, alors que Daryl Morey, à l'époque General Manager des Rockets de Houston (maintenant aux Philadelphia Sixers), publie un tweet de soutien aux manifestants à Hong-Kong, luttant eux aussi durement pour leurs droits et contre la rétrocession de leur région à la RPC. La CCTV, chaîne publique principale du régime de Pékin, réagit à ce tweet dans la foulée en affirmant ne plus vouloir retransmettre les matchs des Rockets, menaçant également la rupture des contrats de marques chinoises avec la franchise texane. S'en est suivi un débat sur la liberté d'expression vis à vis de la Chine, au sein des instances de NBA, une valeur fondamentale protégée par le premier amendement américain. Les relations se sont depuis calmées, d'après ces paroles du porte-parole de la CCTV "On a noté la bienveillance exprimée par la NBA depuis quelques temps. La NBA a effectué des efforts actifs en soutenant la population chinoise dans son combat contre la pandémie de Covid-19".

Mais après avoir apaisé les tensions, la NBA, en a déclenché de nouvelles en juillet dernier, relatives au traitement de la population Ouïghours en Chine, en quittant une académie de basketball dans la province du Xinjiang. Les académies de NBA sont destinées à développer les jeunes talents en dehors des frontières américaines, afin que ceux-ci aient un accès plus facile à la plus grande ligue de basketball mondiale. Dès lors, Mark Tatum, commissaire adjoint de la NBA a écrit que cet acte n'était qu'une confirmation de l'abandon de cette académie chinoise par la NBA: "La NBA n'a pas eu d'implications avec l'académie de basketball au Xinjiang depuis plus d'un an, la relation a pris fin".

Ces actes et tensions ne sont que mineures par rapport à la situation, mais on ne peut imaginer que la NBA aille plus loin, puisqu'elle pourrait perdre plusieurs millions de dollars en cas de rupture de ses liens avec la Chine, comme la Premier League anglaise l'a subie cet été.

La rediffusion des matchs de premier league à la télévision chinoise, soucis réglé?

Oui. Voilà la réponse. Mais celle-ci a sûrement dû être apportée par quelques millions de livres sterling, encore une fois. Pour faire court, la CCTV (encoire oit...) a rétrogradé la diffusion du match historique Chelsea-Liverpool, qui allait sacrer l'équipe de Jürgen Klopp championne d'Angleterre pour la première fois depuis 30 ans, à des chaînes moins regardées, du fait des tensions diplomatiques entre les deux Etats (la dernière journée du championnat n'a ainsi pas du tout été diffusée). Les raisons sont toujours les mêmes: l'Angleterre, d'une part, conteste le traitement politique chinois des manifestants Hongkongais en désaccord avec Pékin. Deuxièmement, les diplomates anglais dénoncent fortement le traitement des Ouïghours au Xinjiang, sans pour autant apporter de concrètes sanctions. Résultat: la Chine prend la menace économique comme arme diplomatique. La Chine investit énormément dans la Premier League, incarnant un marché de consommation du football anglais dantesque, ainsi la concrétisation de ces menaces représentent des millions perdus par l'Angleterre.

Pour finir: le cas Mesut Özil

Selon le Daily Mail, Mesut Özil, figure turco-allemande d'Arsenal et champion du monde 2014, accuse son club de l'avoir mis à l'écart à cause de ses critiques envers la Chine et la répression contre les Ouïghours. Il affirme que les chinois ont mis la pression sur le club londonien pour que celui-ci ne joue plus sous la tunique rouge et blanche. Les commentateurs de football de la plateforme de streaming PPTV ont d'ailleurs commencé ce boycott en ne prononcant plus le nom du joueur lors des matchs d'Arsenal, en signe de contestation, selon le quotidien britannique The Times. Arsenal a préféré réagir doucement, en réaffirmant que le club ne s'implique pas dans la politique. Mezut Ozil lui répondra alors à travers le média The Athletic, relevant de l'hypocrisie de son club face au racisme: "J'ai donné beaucoup à Arsenal, sur et en dehors du terrain, donc j'ai trouvé la réaction du club décevante [...] Il y a beaucoup de joueurs et de fans d'Arsenal noirs et c'est fantastique que le club les soutienne (il évoque ici l'implication d'Arsenal et de la Premier League dans le mouvement Black Lives Matter). Mais j'aurais aimé que les gens fassent la même chose pour les musulmans, parce qu'Arsenal a beaucoup de joueurs et de fans musulmans aussi, et il est important pour le monde de dire que Muslim Lives Matter".

Ecrit par Vincent Mathiot.