Le Club Deportivo Palestino: plus qu'une équipe, tout un peuple
Le club d'une communauté
"Club Deportivo Palestino". A entendre ces mots se suivre, on imagine l'existence d'une organisation sportive liée à la Palestine. C'est le cas, et son histoire est aussi complexe que celle de la Palestine. Mais quelle organisation sportive... le Club Deportivo Palestino n'est autre qu'un club de football moyen du championnat chilien. À l'échelle de notre tendre et chère Ligue 1, le Deportivo pourrait être un club comme Strasbourg, capable de beaucoup mais souvent limité par son influence moindre dans le championnat, malgré quelques rivalités et des expériences internationales rares, mais marquantes. Sportivement, on situe ainsi le club. Il n'est pas un grand du championnat chilien, la Primera División del Fútbol Profesional Chileno. Mais il y est, et fait parler de lui quotidiennement dans le pays, par ses ambitions sportives mais également son influence extrasportive, culturelle, venue d'une histoire riche et passionnante. Reprenons donc au dernier mot qui constitue son nom: Palestino. Voilà donc la raison de sa grande histoire: rétrospective historique.
![Entrée des joueurs dans le stade "Estadio Municipal de La Cisterna", sous les couleurs de la Palestine.](https://fa7bf9c829.cbaul-cdnwnd.com/c8032bb5e5a5342cffc31d2f07ac42ba/200000170-0bd130bd15/joueursCDP.jpg?ph=fa7bf9c829)
La naissance du Deportivo, mêlée à la complexité du Moyen-Orient au XXème siècle
Nous sommes ainsi dans les années 1870, période dans laquelle l'Empire Ottoman vit ses dernières années comme grande puissance moyen-oriental, les tensions avec les états européens étant de plus en plus fréquentes, qui vont donc amener la Première Guerre Mondiale et les conséquences qu'on lui connaît. Les ottomans, voyant leur empire être en déclin, s'imagine ainsi immigrer et voient l'Amérique du Sud comme un nouvel Eldorado. La première vague palestinienne vers l'Amérique du Sud née. Mais existe-t-il plusieurs vagues? Non, car ces immigrations n'ont jamais réellement cessé, elles étaient juste plus ou moins importantes. Dès la fin de l'Empire Ottoman, les pays arabes tels que le Liban ou la Palestine restent dépendants sous mandats des puissances françaises et anglaises respectivement. Les immigrations se poursuivent vers l'Amérique du Sud et s'intensifient à la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israël en 1947, alors que les Palestiniens continuent à perdre leur territoire et de leur influence, au fil des années et des guerres israélo-arabes de la seconde moitié du XXème siècle.
Un 20 août 1920, alors que de nombreux immigrés sont déjà installés au Chili, plusieurs d'entre eux, venus de Beit Jala (un village près de Bethlehem), à l'occasion d'une compétition coloniale à Osorno (à quelques kilomètres de Santiago) fondent le club, qui deviendra le symbole de cette communauté palestinienne du "pays des poètes".
![L'Empire Ottoman, avant sa disparition et le début des migrations palestiniennes vers l'Amérique du Sud.](https://fa7bf9c829.cbaul-cdnwnd.com/c8032bb5e5a5342cffc31d2f07ac42ba/200000169-722d7722d9/empireottoman.gif?ph=fa7bf9c829)
Un club limité dans son palmarès mais historiquement reconnu
Après cette contextualisation, intéressons nous au présent du club. Au présent, marqué par une histoire liée dans une certaine mesure à la Palestine, au présent qui voit le "Palestino" fêter son centenaire en août prochain. Le Palestino reste un club suivi par peu de chiliens, puisque la majorité des hinchas chiliens en supporte trois principaux: Universidad Catolica, Universidad de Chile et le Colo Colo. Le Palestino reste inférieur aux trois club du fait de son plus petit budget, et de son stade délabré et très limité en terme de capacité d'accueil du public. Mais la particularité de ce club fait que malgré tout, il se positionne à la sixième place du classement général de tous les temps de la Primera Division, et possède des hinchas peu nombreux mais réputés pour leur loyauté envers le Club. Le Palestino reste ainsi un club très familial, leur influence à l'extérieur du Chili étant très limité, hormis logiquement la population palestinienne du monde entier qui peut suivre de près ou de loin les résultats et l'évolution du club. Au sein du championnat, le Palestino n'a pas de réelles rivalités. Bassil Mikdadi, ancien consultant qui a travaillé pour le club dans le cadre de son développement à l'international et particulièrement dans le monde arabe, affirme que "Comme un petit club, ils sont bien aimés car ils menacent rarement la supériorité des trois grands. Los Derbis de las colonias contre Union de Española et Audax Italiano sont les matchs qui peuvent le plus se rapprocher de ce qu'on appelle aujourd'hui une rivalité". Encore une fois leur histoire rythme donc les événements du Club dans une saison, mais rythme également leur économie.Un exemple parmi de nombreux, qui montre cet attachement du club à la Palestine: le sponsor sur les équipements de l'équipe, floqués "Bank of Palestine". La communication du club se tourne également de plus en plus vers la Palestine et le monde arabe, avec la création de comptes twitter du Palestino en arabe par exemple. L'espoir règne dans le club dans leur poursuite à l'extension de leur influence à l'international, notamment par de bonnes performances en terme de concurrences continentales ou de bon résultats dans leur commerce électronique.
La distinction entre le Palestino et la communauté palestinienne au Chili semble pour autant très importante. Le premier n'est pas garant de messages politiques et n'apportent pas de soutien direct à l'état Palestinien, contrairement au second. Le Palestino a plus tendance à célébrer le côté culturel des choses sans se lancer dans la politique.
Quelles sont les conséquences de ce lien historique avec la Palestine dans l'image du club?
Dans un sens, ce lien fait tout. Ses supporters viennent encourager le club, car ils sont majoritairement descendants d'immigrés palestiniens. C'est une manière pour eux de garder et d'entretenir l'histoire de leur famille, leurs origines. Les supporters se ressemblent ainsi tous, d'où l'image renvoyé du club d'un peuple, d'une famille.
Mais ce lien avec la Palestine a souvent été critiqué par les instances de la ligue ou de la fédération chilienne:
Alex Kiblisky, trésorier de l'ANFP affirmait que "Le foot ne doit pas entrer dans les questions politiques, raciales, ethniques ou religieuses. Le Club Palestino sait très bien que le football est une puissante caisse de résonance et il en profite pour faire la promotion d'idées qui ont le don de diviser" dans le contexte de la polémique provoquée par la calligraphie des numéros du maillot du club. Tiens, voilà une conséquence négative de ce lien avec la Palestine historique. Le Palestino a fait la une des journaux locaux en 2014 lorsque leur nouveau maillot présentait le chiffre "1" avec la carte de la Palestine mandataire, avant la création de l'état d'Israël. Cette histoire a fait parler du club de l'autre côté de l'Atlantique dans les plus grands journaux européens, alors qu'il n'y était auparavant que mentionné lors de ses échéances en Libertadores, et encore. Le club a été sanctionné et a dû retirer la carte de la Palestine de son maillot, dans la volonté de la fédération chilienne.
![Le maillot "polémique", en 2014.](https://fa7bf9c829.cbaul-cdnwnd.com/c8032bb5e5a5342cffc31d2f07ac42ba/200000171-92ca192ca4/maillotdeportivo.jpg?ph=fa7bf9c829)
La connotation politique du club a également un certain impact sur les stratégies de recrutement de joueurs. Le Palestino a pourtant recruté qu'un joueur né dans la Palestine historique (Shad Shaban), qui a joué en prêt pour le club en 2016. Les chiliens d'origines palestiniennes sont eux plus nombreux. On peut citer les plus connus, pour les amateurs du football chilien: Kettlun, Roberto Bishara, Jonathan Cantillana ou encore Pablo Tamburrini. Il n'y a cependant pas de politique particulière dans le recrutement de palestiniens, puisque l'aspect sportif prime, mais la question est de savoir s'il existe une politique au club qui interdirait le recrutement de joueurs israéliens...
Vincent M.